Le musée départemental de Flandre à Cassel
À couple gigantesque, demeure exceptionnelle ! Le Musée de Flandre abrite Reuze-Papa et Reuze-Maman, les géants indissociables du carnaval de Cassel. Inscrits au titre du Patrimoine immatériel de l’Unesco, ils se laissent approcher au plus près, pour vous conter leurs secrets…
Les lourdes tentures rouges qui les dissimulent ont été tirées. Voilà venu le temps du carnaval ! Reuze-Papa et Reuze-Maman vous accueillent dans leurs appartements, au premier étage du musée*. “Dans la tradition populaire, l’Hôtel de la Noble-Cour est la maison des géants, explique Cécile Laffon, la directrice du musée de Flandre à Cassel. Comme ils ne sortent selon la légende que pendant la période du carnaval, nous respectons la tradition en les cachant aux yeux des visiteurs le reste du temps, c’est-à-dire du Lundi de Pâques, jusqu’à leur réveil l’année suivante le dimanche précédent Mardi Gras.”
Morceaux d’histoire
Les bustes des deux géants que vous avez en face de vous sont les originaux, créés en 1827 et en 1860 par deux frères artistes Casselois, Ambroise et Alexis Bafcop (voir l’encadré). Clonés en 2001, Reuze-Papa et Reuze-Maman coulent une retraite bien méritée au musée, qui les a en dépôt depuis 2003**. Ce sont leurs copies qui sortent pour le carnaval. “Il s’agit des seules œuvres de la collection à disposer d’un double classement si prestigieux, au titre des Monuments Historiques depuis 2002 et au titre du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2005”, poursuit Cécile Laffon. “Reuze”, c’est le géant, en flamand. Les deux mannequins deviennent le socle de légendes enracinées au plus profond des Flandres. On les dit créateurs du mont Cassel et du mont des Récollets. On en fait aussi les acteurs principaux du carnaval.
Le Carnaval de Cassel, 1876
Huile sur toile, Cassel, musée départemental de Flandre
© Musée de Flandre / photo Jacques Quecq d’Henripret
Totems chéris et… bricolés
“L’attachement des Casselois pour leurs géants est immense. On le comprend dans leur structure même”, poursuit Cécile Laffon. En 2009, les deux géants sont en effet entièrement radiographiés par le C2RMF*** dans le cadre de leur restauration. Les radiographies dévoilent leur mode de construction et la multiplicité des matériaux qui les composent : du papier mâché, du carton moulé, du bois, des pièces métalliques, du cuir, du crin de cheval, de la peau de mouton, du textile, etc. “On a pu repérer aussi les accidents qu’ils ont subis. Les pauvres ont eu une vie très mouvementée entre les chutes et les outrages du temps !” précise Cécile Laffon. Un morceau de toile cirée dans le bras gauche pour Reuze-Papa, un amalgame réalisé par un dentiste de Cassel pour la joue de Reuze-Maman (si vous regardez bien vous verrez encore sa “chique”) ou encore un ravalement de façade par un peintre en bâtiment : “les réparations et bricolages réalisés par les habitants témoignent de cet attachement. Une fascination incroyable pour ces géants perdure.”
Qui sont-ils vraiment ?
La réponse se trouve peut-être dans un tableau du XVIIe siècle, exposé à côté de Reuze-Papa. Dans la Procession de chars sur la place du Meir à Anvers, peint par Erasmus de Bie, un géant lui ressemble étrangement. Il s’agit de Druon Antigone, le géant d’Anvers. Même barbe, même costume de légionnaire romain : quand on sait qu’Alexis Bafcop a étudié la peinture à Anvers, on se dit que cette ressemblance n’est sûrement pas le fruit du hasard. Reuze-Maman, son épouse, naîtra 40 ans plus tard. Elle change plusieurs fois de costume. D’abord femme de pêcheur pour accompagner la bande de Dunkerque, elle deviendra guerrière – vous la voyez ainsi sur la grande photo en noir et blanc derrière les géants – puis princesse byzantine. Ne manquez pas dans la même salle le tableau Le Carnaval de Cassel d’Alexis Bafcop, peint en 1876.
La rentrée des Reuzen
C’est le point d’orgue du carnaval : la rentrée des géants dans le musée ! Sur l’air entêtant du “Reuzelied”, les nouveaux Reuze-Papa et Reuze-Maman paradent sur la Grand’Place, entourés par une foule compacte. Des cris, des huées, des sifflets, des applaudissements : Reuze-Maman se couche la première et entre dans le musée. Reuze-Papa entame un dernier tour d’honneur puis il disparaît à son tour. Carnaval est mort, vive Carnaval !
Une fois la foule dispersée, les géants repartiront (discrètement) dans les ateliers municipaux. Rendez-vous l’année prochaine !