Des histoires des vies étonnantes
Le village de Noordpeene, niché au pied du mont Cassel, a été profondément marqué par les vicissitudes de l’histoire, traversant des épreuves aussi bien au 17e siècle lors de la Bataille de la Peene, à l’origine de la Maison de la Bataille de la Peene, qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale. Jocelyne Willencourt, mémoire vive du village partage dix histoires étonnantes liées à des personnalités ou des événements ayant laissé leur empreinte indélébile sur Noordpeene, de mai 1940 jusqu’au 6 septembre 1944, date mémorable de sa libération.
Transmettre la mémoire
En 2007, Jocelyne Willencourt a été l’une des forces motrices derrière la création du Musée de la Bataille de la Peene. En tant qu’élue locale et résidente de Noordpeene où elle est née, elle a joué un rôle crucial dans la préservation de l’histoire de son territoire avec de nombreuses expositions ou ouvrages comme: “Noordpeene d’un siècle à l’autre”. Son dévouement l’a amenée à rassembler une abondance de documents historiques ainsi que plus de 800 photographies, chacune soigneusement légendée, contribuant ainsi à la conservation d’une part essentielle du patrimoine villageois. C’est grâce à cette collecte que ces photos nous parviennent aujourd’hui.
“C’est un grand bonheur de constater que ce travail a ouvert les portes de l’histoire à certaines familles, leur permettant même parfois de retrouver des liens perdus. Cette mémoire, riche et précieuse, ne doit en aucun cas être oubliée ; elle mérite d’être entretenue et transmise pour les générations à venir.”
Jocelyne Willencourt.
1/ L’abbé Caulier, une forte personnalité !
Camille Caulier, curé de Noordpeene en 1940, était un homme de caractère. Le 26 mai 1940, des soldats britanniques investissent l’église et montent à la tribune. L’abbé Caulier leur demande de partir, craignant que leur présence ne provoque un bombardement ennemi sur le village. Sa prudence est récompensée : les soldats se rendent ensuite à Zuytpeene où les combats sont bien plus violents.
À Noordpeene, l’assaut ne dure que quelques heures le lendemain. Engagé dans la Résistance, l’abbé Caulier participe à un réseau d’évasion d’aviateurs alliés, lui valant la médaille de la Reconnaissance française.
2/ Jean Decoster, le récit d’un réfugié
Jean Decoster était le fils d’un imprimeur de Lomme. Il se réfugie avec sa famille à Noordpeene dès septembre 1939 et il y passe les 4 ans de la guerre. Il a raconté toute cette période dans un livre imprimé pour sa famille. Ses petites-filles, en visite à Noordpeene, l’ont confié à Jocelyne. “Ce témoignage a permis de récolter des éléments très importants sur la vie du village à cette époque : l’entrée des Allemands dans le village le 27 mai 1940, l’exode, le quotidien, raconte Jocelyne. Et cerise sur le gâteau, les descendants de Jean Decoster et moi faisons partie de la même famille.”
3/ Raymonde Fiolet, la résistante
En août 1940, Raymonde Fiolet, également connue sous le nom de « Roberte », rejoint la résistance. Secrétaire de mairie à Noordpeene, elle fabrique des faux papiers pour aider les prisonniers français à s’évader. Découverte par les Allemands en avril 1941, elle s’échappe et organise la résistance à Soissons. Capturée après le débarquement allié en Normandie, elle est emprisonnée par la Gestapo mais parvient à s’évader. Malheureusement, les sévices subis l’affaiblissent et elle meurt en février 1946 à l’âge de 42 ans. Elle avait été élue maire de Soissons en 1945.
4/ Jeanne Devloo-Vaesken, correspondante pour la Croix Rouge
Jeanne, correspondante pour la Croix-Rouge à Ochtezeele, a joué un rôle crucial pendant la guerre.
Avec ses compétences de secouriste, elle organisait des matchs de football pour les prisonniers de guerre et collectait des fonds pour leur offrir un colis par mois. En 1941, 61 habitants de Noordpeene étaient prisonniers. Jeanne confectionnait des sacs en jute remplis de denrées, cousant elle-même les sacs et écrivant les noms des destinataires à l’encre de Chine sur des étiquettes découpées dans des draps usagés. Ces actes de générosité ont été confiés à Jocelyne pour que leur souvenir perdure.
5/ Noordpeene bombardé
En raison de la présence d’une rampe de lancement de V1 sur son territoire, à proximité du moulin de l’Heye, ainsi que d’une seconde en limite avec Zuytpeene, Noordpeene a été soumis à de fréquents raids aériens pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces attaques ont provoqué
d’importants dommages dans la commune, avec plusieurs avions s’écrasant dans les environs immédiats. Dès la mi-juin 1944, le village a été la cible d’assauts aériens d’une grande violence, entraînant la mort de six civils, dont quatre enfants. De nombreuses habitations ont été entièrement détruites. Les cicatrices laissées par les bombes étaient innombrables, les cratères se comptant à plus d’une centaine.
“Cette période appartient au passé, c’est vrai. Mais nous devons tous être vigilants, ne jamais oublier. La mémoire est la garantie de notre liberté présente et future”.
Jacques Drieux, maire de Noordpeene en 2004
6/ Les victimes civiles
C’est encore une histoire émouvante que celle de Léonie Geldhof. Elle est décédée la veille de ses 75 ans des suites du bombardement de la rampe V1 de l’Heye à Noordpeene. Mère de huit enfants, Léonie Geldhof cultivait encore plusieurs hectares, fumait la pipe, se promenait avec sa chèvre et elle était très connue au village. Le geste touchant de sa petite-fille, exprimant sa gratitude envers
Jocelyne pour avoir exposé la photographie de son aïeule lors d’une exposition en 2004, témoigne de l’importance de se souvenir et de rendre hommage aux victimes de la guerre. “J’ai eu chaud au cœur de voir que les victimes de guerre ne sont pas oubliées”, lui écrivit-elle.
7/ Laissez-passer !
Ce document est un témoignage historique marquant de l’époque : le laissez-passer de Zoé Devos, la mère de Jocelyne Willencourt. Ces documents étaient souvent nécessaires pour permettre aux civils d’accéder à certaines zones, de circuler en toute légalité malgré les restrictions imposées par l’occupant allemand, ou encore pour exercer certaines activités essentielles malgré les risques. En 1943, alors que sa famille était évacuée à Clairmarais pour fuir la menace des tirs de V1, ce précieux document était indispensable. La ferme familiale, située dans la zone de danger de la rampe de V1, exigeait qu’elle le présente systématiquement pour pouvoir retourner traire les vaches et nourrir les animaux. À l’âge de 22 ans, Zoé Devos portait sur ses épaules la responsabilité de veiller sur la subsistance de sa famille dans un contexte de guerre et de danger constant.
9/ Les démineuses du coin perdu
Cette photo est étonnante. On y voit deux femmes réfugiées à Noordpeene poser devant des bombes qui n’avaient pas explosé après les bombardements des rampes de lancement V1…
Certaines femmes ramassaient les douilles d’obus, raconte Jocelyne.